Ottawa, le 20 mars 2023

Objet : Visite du président des États-Unis

Monsieur l’Ambassadeur,

À quelques jours de la visite à Ottawa du président des États-Unis, Monsieur Joe Biden, je vous écris dans l’esprit de franche amitié et de collaboration entre les nations qui sont les nôtres, l’étasunienne, la canadienne et la québécoise.

Je souhaite tout d’abord vous faire part du respect et de la grande considération du peuple québécois à l’endroit des États-Unis, de même que du désir du Québec de contribuer encore davantage à la prospérité, à la vigueur et à la sécurité de l’Amérique, du monde libre, et ultimement de chaque humain de bonne volonté.

Je souhaite ainsi vous faire part avant même l’arrivée du président Biden en sol canadien de quelques sujets d’intérêt commun dans la perspective desquels les propositions du parti que je dirige pourraient converger avec les intérêts des États-Unis, mais aussi quelques inquiétudes dont il me semble opportun de vous informer.

D’abord, le régime autoritaire de République populaire de Chine fait intrusion de façon hostile dans nos démocraties, et singulièrement dans le processus électoral canadien qui apparaît vulnérable. Beijing a même établi de véritables agences d’intimidation auprès des ressortissants d’origine chinoise, qui seraient près de 1,8 millions au Canada, communément appelés « postes de police chinois » au Canada. Le Bloc Québécois a demandé que soit instaurée immédiatement une commission d’enquête publique (sous réserve de certaines considérations de sécurité dans le cadre des activités du services de renseignements), indépendante de l’autorité du premier ministre dont les actions – ou l’inaction – devront être étudiées lors d’une telle commission, et à cette fin, que la présidence en soit choisie par la Chambre des communes. Je présume que ce sujet sera abordé lors des échanges privés entre messieurs Biden et Trudeau. Sachez néanmoins que je partage les probables inquiétudes des États-Unis quant à l’ingérence d’une puissance étrangère dans le processus électoral d’un pays nord-américain.

La gestion du point de passage irrégulier situé sur le chemin Roxham, à la frontière entre les États-Unis et le Québec, est également un sujet qui s’impose. En effet, les États-Unis sont confrontés à la gestion d’un mouvement migratoire très important qui pose ses défis en termes de sécurité, d’accueil et d’intégration. Or, le Québec est le point d’entrée de la très grande majorité des migrants passant des États-Unis ou du Mexique vers le Canada, imposant surtout au Québec des enjeux similaires. Certains d’entre eux tentent ensuite de retourner aux États-Unis de façon irrégulière, parfois au péril de leur vie. Il nous apparaît que l’Entente sur les tiers pays sûrs n’est plus, dans ce contexte, l’instrument adéquat pour disposer conjointement, entre les États-Unis et le Canada, de l’accueil de ces dizaines de milliers de migrants et que la voie privilégiée de leur transit irrégulier, le Chemin Roxham, doit être fermée afin qu’ils soient dirigés vers les accès douaniers officiels de nos juridictions respectives.

Tout aussi incontournables sont quelques enjeux relatifs au commerce entre les deux pays que les États-Unis, le Canada et le Québec souhaitent le plus ouvert possible. Outre des différends sur le lait et le bois-d’œuvre qui gagneraient à être abordés dans une perspective à long terme, il nous apparaît dans notre intérêt commun que les lois visant à renforcer le marché intérieur étasunien (Buy American Act), incluent les entreprises québécoises et canadiennes en les considérant au même titre que les sociétés des États-Unis. Un tel aménagement offrirait des gains en termes d’efficacité et de renforcement d’un bloc économique et commercial crucial alors que les chaînes d’approvisionnement mondiales sont menacées par des enjeux de sécurité.

La venue du président Biden est aussi une occasion d’aborder le sujet des minéraux stratégiques, indispensables à l’atteinte des objectifs de nos pays en matière d’électrification des transports, de développement des énergies propres, d’innovations technologiques dans les secteurs de pointe, et de sécurité. À cet égard, le Québec dispose de ressources minérales exceptionnelles, dont le lithium, et aussi d’une stratégie visant à établir un véritable écosystème de la batterie électrique. Toutefois, la loi sur la réduction de l’inflation adoptée en 2022 par le Congrès des États-Unis contient une disposition décourageant l’achat de batteries hors des États-Unis, incluant au Québec et au Canada. Peut-être des aménagements sont-ils possibles.

En filigrane de ces enjeux, celui de la sécurité est omniprésent. La guerre en Ukraine, la menace chinoise sur Taïwan, les tensions entre les nations israélienne et palestinienne, entre autres, commandent une attention particulière et dans cet esprit, il est pertinent de discuter des choix récents du Canada quant à ses obligations en termes d’implication militaire tant en regard du NORAD que de l’OTAN.

Enfin, il y a aux États-Unis de nombreuses communautés dont les racines sont françaises et à l’endroit desquelles le Québec entretient une affection particulière. Dans le contexte où la diversité culturelle tant des États-Unis que du Canada et du Québec souffre d’un affaiblissement de la langue française, nous espérons que soient considérés un accroissement des collaborations et des liens entre les communautés attachées au français partout en Amérique.

Vous conviendrez, Monsieur l’ambassadeur, que la visite du président Biden est une opportunité pour nos nations de moderniser les partenariats stratégiques, économiques et culturels qui bénéficient à tous, en particulier dans un contexte d’accroissement des tensions internationales. En cela, je vous réitère mon intérêt à rencontrer le président Biden. L’occasion et notre amitié s’inscrivent dans une amitié que nous chérissons de concert.

Veuillez donc recevoir, Monsieur l’Ambassadeur, l’expression de mes respects et de mes salutations chaleureuses.

Yves-François Blanchet
Chef du Bloc Québécois
Député de Beloeil-Chambly